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Paris, ville symbolique

Dans son livre Guide du Paris hermétique (Dervy, Ed.), Serge Thibaut nous apprend à lire les symboles de tous ordre : païens, chrétiens, maçonniques ou alchimiques de Paris inconnu. Katia Kanban l’avait l’interviewé pour le Monde des Religions il y a quelques temps. Synthèse des réponses.

Serge Thibaut entend par « hermétisme » la dimension cachée du sens. Autrement dit, l’hermétisme est un art du regard porté par une connaissance secrète : celui qui sait peut voir ce qui s’offre à tous, mais il peut voir plus loin s’il sait comprendre et mettre en perspective les signes et les symboles.

Certes, d’innombrables guides de Paris existent déjà et, même dans le domaine du Paris ésotérique ou secret, on trouve un certain nombre d’ouvrages. Cependant, ils sont compartimentés, segmentés. L’ouvrage de Serge Thibaut propose une étude de l’hermétisme parisien sans frontière étanche.

Des axes traversent tout Paris, de grandes voies linéaires, où se sédimentent des monuments obéissant à une logique hermétique claire.

Par exemple, l’axe historique appelé « voie royale » court de la Nation à la Grande Arche en passant par la Bastille, l’Hôtel de Ville, le Louvre, les Tuileries, la Concorde, les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe. Un autre axe suit le Méridien depuis la Cité Universitaire jusqu’à Montmartre en passant par l’Observatoire, le Luxembourg, l’Académie française, le Louvre à nouveau, le Palais Royal.

Le principal travail de Serge Thibaut consiste à se demander comment savoir que l’on a affaire à un symbole hermétique (véhiculant donc un sens caché), et non à un simple symbole historique.

Le Louvre, monument hermétique

Le Louvre est l’une des plus anciens monuments parisiens, bien que sa forme actuelle soit attribuable en gros à Napoléon III. De ce fait, il a été au cœur d’une histoire symbolique de la France qui est cruciale. Ensuite, sa vaste étendue fait que ses façades présentent une riche ornementation. La Cour carrée, ornementée par Jean Goujon (1510-1566) peut être étudiée à l’infini. François Mitterrand appelait le Grand Louvre « l’épicentre » de la capitale. Ce qui se confirme par le fait que la Pyramide est devenue un lieu sacré, traversé par deux axes fondamentaux – l’axe historique et le Méridien – ainsi que par deux axes secondaires, l’un menant au Panthéon et à la place d’Italie, l’autre à l’obélisque-pyramide de la place des Fêtes en passant par la place de la République.

Les petites pyramides qui encadrent la grande, les «pyramidions» n’est pas une petite pyramide, mais la coiffe pyramidale d’un obélisque. Soit, donc, le terme officiel est une erreur, soit l’on se dit que ce sont bien des pyramidions et qu’il y a des obélisques dissimulés, ce qui correspond plus à la volonté des architectes, de la Présidence et des conseillers. Le pavement au sol représente des obélisques bidimensionnels, conférant à la Cour Napoléon un statut hermétique, celui d’un temple égyptien où plusieurs obélisques coiffés de pyramidions encadrent une étendue d’eau – les bassins de la pyramide centrale. Tout cela est démontrable, et forme une symbolique parfaitement cohérente qui rappelle celle de l’enceinte d’Amon-Rê à Karnak en Égypte.

Les Grands Travaux de François Mitterrand

Un Président, quel qu’il soit, est soumis aux décisions parfois souveraines des jurys, aux contraintes techniques et matérielles des bâtiments sur lesquelles sa volonté ne peut avoir aucun effet. Par exemple, la version que nous connaissons de l’Opéra Bastille ne correspond aucunement au vœu de François Mitterrand ; tout comme pour certains aspects de la Grande Arche.

Cependant il y a des traits communs pour tous les Grands Travaux : fluidité exprimée par le vide (Grande Arche, Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand, Colonnes de Buren) ou la transparence (Pyramide du Louvre, Géode, Opéra Bastille), formes géométriques épurées (cube, sphère, équerre, pyramide, cylindre), et installation des lieux fondamentaux dans les souterrains : le Grand Louvre est essentiellement enterré, tout comme l’auditorium de l’Opéra Bastille, les bureaux de la Grande Arche, les salles de recherche de la BNF, la salle de la Géode, et, plus étonnant, les colonnes de Buren dont on ne voit qu’une toute petite partie. À travers les contraintes et les contingences que ne peut contrôler le Président, se maintiennent donc des constantes, des marges de décision issues du pouvoir. C’est pourquoi il peut exister un sens a priori, dicté par l’implacable logique des alignements déjà existants, d’un sens a posteriori, dicté par les contraintes et la contingence de l’Histoire.

C’est cette rencontre complexe entre les deux sens qui a, peut-être, forgé la beauté hermétique de Paris.

Source : Katia Kaban, interview Le Monde des religions, 2016.
Photo @Wikipedia

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